Escapade photographique [Yuuta & Anako] [Terminé!]

Lorsque Cheryl se réveilla ce matin-là, elle se sentit complètement reposée. Et pour cause, la veille, il avait plu et dans ces cas-là, la seule chose qu'elle aime faire, c'est rester devant un feu, un bon roman à la main, activité qu'elle pratiqua dans l'un des nombreux salons du pensionnant. A la nuit tombée, elle qui le salon pour rejoindre sa chambre et s'était laissée bercer par la pluie. Heureusement, comme toutes les nuits, elle avait dormi avec son masque, ce qui l'avait évité d'être réveillée par les éclairs qui traversaient les fins rideaux.
La jeune américaine se leva et ouvrit les rideaux, ne vérifiant même pas si sa colocataire dormait encore ou pas. La pluie n'avait cessé de tomber il n'y avait que quelques heures, les feuilles étaient encore mouillées, les nuages commençaient tout juste à se séparer. L'idée ne fit qu'un tour dans sa tête. Elle se précipita dans la salle de bain, prit une très rapide douche, ne s'encombrant pas de ses soins habituels, elle aurait tout le temps dans la journée de s'en occuper. Cheryl alla dans son dressing adoré, et exposa la situation. Il devait faire un peu frais dehors, alors sortir en débardeur serait une mission suicide, mais elle aurait trop chaud en pull. Qu'est-ce qu'elle pouvait détester le printemps, cette saison entre deux extrêmes. Désespérée, elle se rabattit sur une robe bleue qu'elle couvrit par une veste en cuir noire et mit des ballerines noires vernies pour accompagner le tout. La jeune fille décida qu'il était beaucoup trop tôt pour se maquiller et accorda à son visage un repos bien mérité. La brunette se fit un chignon qu'elle fit tenir grâce à un crayon à papier car elle ne trouvait plus ses baguettes. Il faudrait en racheter. Elle sortit du dressing et ouvrit son armoire dans laquelle prônait en maître son matériel de photographie. Cheryl s'empara du sac et y déposa soigneusement son portable, plusieurs cartes mémoires, un flash externe, ainsi que quelques autres éléments qui finissent par peser lourds sur de pauvres épaules comme les siennes.
Son appareil photo reflex en main, elle sortit de la chambre, referma la porte et arrivée devant les escaliers, elle s'arrêta. Monter ou descendre? Si elle descendait, il y avait des chances pour qu'elle croise d'autres élèves tombés du lit alors que sur le toit, il n'y aurait personne. Elle aurait champs libre et pourrait même repérer son trajet photographique de la journée. Arrivée sur le toit, elle ouvrit la porte, il était vraiment grand, même s'il y avait des des gens, il y aurait peu de chance qu'ils viennent la déranger.

« Ouaw! » s'exclama en découvrant la vue qui s'offrait à elle avant de prendre sa première photo de l'académie.

C'est en entendant le chant des oiseaux que Cheryl s'était aperçue qu'elle avait oublié quelque chose d'important: son lecteur mp3. Tant pis, elle ferait sans ce matin. Elle leva la tête et mitrailla le nid d'oiseaux en prenant garde à ne pas activer le flash, ne voulant effrayer les oiseaux.

« Hey Cheryl ! How are you ?
- Fine and busy, » répondit-elle sans attendre la fin de la phrase de son interlocutrice dont elle n'avait pas reconnu la voix, trop plongée dans son art.

Parler à Cheryl quand elle prenait des photos, c'était comme s'adresser à un répondeur, ses réponses étaient enregistrées. La voix continuait son flot de paroles. L'attention de Cheryl fut captée par la fin de la phrase. Faire son portrait? Qui se croyait assez proche d'elle pour lui faire une telle demande? La jeune fille se retourna pour découvrir la chevelure blonde de sa colocataire escortée par son fidèle rongeur. Elle vit la guitare.

Niveau tranquillité tu repasseras..

« Tiens, salut Anako. Le paysage est magnifique, alors j'en profite pour prendre des photos, » répondit-elle de sorte à éluder la proposition de la jeune fille.

A ce moment, la porte du fond s'ouvrit à nouveau.

J'aurais mieux fait d'aller en bas finalement... !

Le nouveau venu resta planté quelques instants, Cheryl le fixa, se demandant s'il allait s'éloigner ou au contraire s'approcher. Il avait lui aussi l'air d'hésiter. Elle poussa un soupir de désespoir en voyant qu'il venait dans leur direction. Toutefois, plus il s'approchait, moins Cheryl regrettait d'avoir opté pour le toit. Elle porta l'appareil photo à son visage et appuya sur le déclencheur, capturant ainsi l'image du jeune homme. Savait-il qu'il venait d'être pris en photo? Elle l'ignorait. Et puis, ne dit-on pas qu'en art, tous les coups sont permis? A moins que ce ne soit en amour? Bref. Il n'avait qu'à pas avoir l'air photogénique. Elle vit qu'il avait lui aussi une guitare. Super, lui et Anako allaient pouvoir faire un duo, parler de guitare, de musique... bref, tout ce qui allait la déconcentrer.

« Bonjour, laisse-moi deviner. Tu pensais que le toit serait libre et en fait, pas du tout? puis elle ajouta sans attendre la réponse. Faut croire que les grands esprits se rencontrent. »

Elle jeta un coup d'oeil à Anako et son rat.. Enfin..

La jeune fille éteignit son appareil. Comment Anako osait-elle la présenter? Si elle voulait le faire, elle le ferait elle-même. Qu'elle s'occupe un peu d'elle-même.

« ... quelques fois bête... » non mais, pour qui elle se prend cette blondasse? La pauvre, ça se voit bien qu'elle n'a pas eu l'habitude d'être confrontée au monde extérieur. Si elle a cru que mon comportement de tout à l'heure était froid, elle n'a encore rien vu.

Anako était assise et produisait quelque chose qui ressemblait à de la musique. Cheryl qui s'était éloignée pour capturer un arc-en-ciel de passage, s'approcha d'eux. Le visage de l'américaine s'éclaira d'un sourire à mesure qu'elle avançait vers le trio. Elle se mit à la hauteur d'Anako, se pencha vers elle. Son sourire avait disparu, et caressant Newton elle dit doucement à sa colocataire.

« Effectivement, tu as perdu la main. J'espère pour toi que la guitare c'est comme le vélo, et que tu vas bientôt pouvoir en rejouer. Parce que là, ce n'est pas gagné. J'ai même l'impression que les pauvres oiseaux sont effrayés. A défaut de savoir jouer, tu sais dessiner, c'est déjà ça. »

La jeune fille regarda Anako droit dans les yeux avant de se redresser et de dire plus fort.

« Regarde, ton rat est bizarre, j'ai l'impression qu'il a froid! »

La brunette remit sa robe en place et se retourna vers le jeune homme, son sourire naturel sur les lèvres. Elle n'avait entendu que des brindilles de leur conversation, ainsi, elle ignorait s'il s'était présenté ou pas et elle comptait bien se présenter elle-même; la première impression qu'elle avait sûrement donné au jeune homme n'était pas des plus avantageuses, il fallait réparer ça. Tout en en le rejoignant, Cheryl ne pu s'empêcher de l'admirer. Non pas l'admirer dans le sens négatif du terme, autrement dit rester idiote, bégayer et tout le tralala qui appartenait sûrement à Anako, mais l'admirer dans le sens positif et artistique du terme. C'est-à-dire qu'il s'agit sûrement de quelqu'un d'intéressant qu'il faut saisir au vol. En fait, assis contre le muret, tel un artiste à la recherche d'inspiration, Cheryl avait l'impression d'avoir un tableau vivant sous ses yeux. Si cela était possible, on aurait pu voir une pluie d'étoiles dans son regard.

« Comme Anako te l'a dit, je m'appelle Cheryl, et toi, je ne t'ai pas entendu te présenter? Désolée, je n'ai pas été des plus cordiale tout à l'heure. C'est juste que quand j'ai ce bijou entre les mains, j'ai horreur d'être dérangée et Anako, même si elle est très gentille, elle et quelque peu bavarde alors.. je ne voulais pas qu'elle se lance dans un de ces monologues. Elle s'arrêta, remarquant qu'elle aussi allait partir dans un monologue. Bref, j'imagine que tu ne veux pas être dérangé non plus, je tenais juste à rectifier le tir, je sais que la première impression est souvent celle qu'on garde des gens, et je ne suis pas si, shit, how do you say that.. rude d'habitude. »

Cheryl prit la guitare que lui tendait Anako. Elle avait fait mouche. Elle rit intérieurement. L'américaine garda son appareil photo autour de son cou mais enleva la sacoche, chargée de son matériel et maintenant beaucoup trop lourde pour elle, et la posa sur le sol. Elle approcha la guitare d'elle et prit la posture des guitaristes qu'elle voyait souvent en film ou pendant des concerts. La jeune lycéenne passa une main dans ses cheveux et retira son crayon, laissant à ses longs cheveux le loisir d'onduler avec le vent. Elle adopta un air grave et prit une grande inspiration. La seule fois qu'elle avait tenu une guitare, c'était lorsqu'elle était aux États-Unis et qu'elle installait la scène pour un de ses amis. Ainsi, elle savait parfaitement qu'elle ne savait pas jouer de cet instrument mais elle tenta tout de même sa chance. En réalité, en dehors de quelques faibles notions de piano, elle ne savait jouer d'aucun instrument, même pas de la batterie. La seule Une horrible mélodie émana de la guitare. Cheryl releva la tête et dit à Anako en souriant:

« Tu as raison. Je ne sais absolument pas en jouer. Je n'aurais pas du critiquer. Mais je pensais qu'en art, quand on expose son travail en public, c'était s'exposer à toutes les critiques. Qu'elles soient bonnes ou mauvaises. Parce que c'est grâce aux critiques qu'on évolue. Enfin, c'est toujours ce que je me suis dis. Si je réalise un mauvais cliché, je préfère qu'on me le dise plutôt que je sois persuadée qu'il s'agisse d'un cliché extraordinaire. Elle tendit à Anako sa guitare. Tiens, je te la rends, ce serait dommage qu'il lui arrive quelque chose de fâcheux, je suis si maladroite! A l'avenir, tu as ma parole, je m'abstiendrai de tout commentaire à ton égard, répondit-elle pour calmer les tensions qu'elle avait elle-même créée.

Ce n'est pas qu'elle aimait les conflits, c'est que les conflits avaient tendance à la suivre à la trace. Déjà au club de dessin, puis dans ce bar et finalement sur le toit. Ce genre de situations, au lieu de la contrarier, l'amusaient énormément. Tous les goûts sont dans la nature n'est-ce pas? Elle aurait pu poursuivre sur sa lancée jusqu'à faire pleurer Anako.. mais non. On aurait pu croire qu'elle venait de battre en retraite, mais en fait, elle c'était aperçue qu'Anako aurait vite craquée et cela ne représentait aucun challenge. C'était sûrement le genre de fille à s'enfoncer toute seule. Ce serait une chose à vérifier. D'autant plus que cela aurait sûrement mit le jeune homme bien mal à l'aise, et ce n'était pas le but. Cheryl se tourna à nouveau vers ce dernier.

« Anyway... je vais finir par croire que tu ne veux pas qu'on sache comment tu t'appelles! Promis, je n'utiliserai pas ton prénom pour faire du vaudou ou autres choses diverses. Enfin, si tu veux, tu peux rester anonyme, je t'appellerai John Doe.*»

Spoiler:

Cheryl regarda Anako s'éloigner en souriant. Sa colocataire ne manquait jamais de parler de son rat ou de s'occuper de lui. Un peu comme une jeune mère et son enfant. L'américaine se demanda alors ce que ça pouvait être d'aimer quelqu'un d'autre que soit même, en dehors de ses parents bien entendu. Ce début de réflexion se perdit quand le jeune homme se présenta finalement. C'était la première personne qu'elle rencontrait qui était dans une classe supérieure, il devait aussi être plus âgé qu'elle alors. Hum. Intéressant. Elle pourrait lui demander de l'aide si un jour il lui arrivait d'avoir des difficultés en cours. Cheryl sourit toute seule à sa 'blague'. Comme si un jour, elle pouvait avoir du mal en cours...

Hum. Quoique, en sport... Pff, comme si c'était une matière ça..

Voyant qu'une fois encore, elle avait fait la conversation dans sa tête plutôt qu'avec les autres, elle jeta un coup d'oeil à Anako qui l'avait regardée avant de se replonger sur sa feuille. Elle avait vraiment l'air d'une petite fille, si elle n'arrêtait pas de la taquiner, elle finirait par la détester.. Cheryl chassa cette idée de sa tête, il n'y avait aucune raison que quelqu'un puisse la détester. Enfin, même si c'était le cas, tant pis, c'est l'autre qui perdrait l'occasion de la connaitre. Et maintenant? Qu'allait-elle faire? Plantée là sur le toit, le regard perdu dans le vide. Il valait mieux ne pas déranger Anako et Yuuta n'était pas des plus bavards... Elle ne s'abaisserait pas à lui faire la conversation, s'il ne voulait pas parler de lui-même, tant pis. Dans tous les cas, elle restait planter entre les deux, les doigts se baladant sur le boitier de l'appareil. Elle pourrait tranquillement continuer ses photos mais la présence des deux autres la dérangeait un peu. Distraite, elle tapa du pied au rythme de ce qu'elle entendait. Mais elle se rendit vite compte qu'il ne s'agissait pas d'une chanson qu'elle connaissait et donc pas de son MP3, que de toutes manières, elle avait oublié. C'est donc encore à cause ou grâce, à Yuuta que l'américaine perdit à nouveau le fil de ses pensées.

Elle se tourna à nouveau vers le jeune homme. Contrairement à Anako, il jouait bien et même si elle avait entendu de plus jolies voix, celle de Yuuta n'était pas mal. Elle repensa aux États-Unis, à la période où elle jouait les photographes pour son ami, qu'avec ses meilleures amies elles jouaient les fausses groupies. Les musiciens, ils ont cette même allure, celle de l'artiste emprisonné dans son art. Ils jouent et s'occupent pas de ce qui peut bien se passer autour d'eux, la terre pourrait s'arrêter, que rien n'y ferait. Elle n'entendait pas vraiment ce qu'il chantait mais se laissait bercer par la mélodie de la guitare. Avec le soleil qui faisait son apparition, la lumière était idéale, alors Cheryl fit une des choses qu'elle savait le mieux faire. Prendre des photos. Après quelques photos, elle s'assit sur ses genoux, s'asseoir en tailleur était proscrit quand on était en robe, surtout si elle était aussi courte. C'est à ce moment-là qu'elle se rendit compte à quel point les États-Unis lui manquait et surtout la présence de ses amis.

« C'est vraiment très joli... » avait-elle fini par laisser échapper entre deux souvenirs. Elle se ressaisi. Ce n'était pas le lieu pour repenser au passé, surtout pas en public. Il n'y a que les faibles qui ont des sentiments. Cheryl ralluma son appareil photo et dit à Yuuta en lui tendant l'appareil photo: « Je suis désolée, je t'ai pris en photo sans te demander la permission avant. Si ça te dérange, je peux les supprimer. »

« Tu m'impressionnes. Tes photos sont superbes. Et je n'dis pas ça parce que je suis dessus hein!»

Cheryl sourit au compliment du jeune homme. Sourire, il fallait toujours le faire, même quand on était en colère, qu'on avait juste envie de vomir et surtout lorsqu'on faisait du mal.. Il fallait toujours sourire parce que 'A smile suits you best' comme lui répétait toujours sa mère. Mais aussi parce que les sourires sont gratuits et qu'ils ont l'avantage de mettre les gens en confiance et à détendre l'atmosphère. Le langage du corps humain, elle l'avait étudié en cours de méthodologie espagnole. Elle n'avait jamais compris le rapport entre la matière et le sujet traité. Mais bon, cela faisait longtemps qu'elle avait arrêté de chercher une quelconque logique dans l'enseignement. Et voilà, comment une phrase pouvait la conduire a des réflexions très poussées.

« Heu... Je ne sais pas du tout. J'ai eu mon premier appareil quand j'avais 6 ans, les petits appareils en plastique et waterproof. Et après, à chaque anniversaire j'en commandais un nouveau... »

Faut croire que j'adorais déjà capturer et posséder les choses..

« Mais bon, je n'ai aucun mérite! 80% du travail vient du mannequin ou de la scène! Et les autres 20%... c'est de la chance! Alors si elle sont réussies, c'est en partie grâce à toi. Et il faut dire les choses comme elles sont. Certains ont la chance d'être photogéniques, d'autres pas. Je ne fais qu'appuyer sur un bouton! » finit-elle en riant.

De la chance? Sûrement. Et elle en avait beaucoup dans ce cas-là. De la patience aussi. Au début, elle faisait tellement de clichés pour être sûre de prendre la photo parfaite. Aujourd'hui, le nombre avait diminué. Elle n'aimait pas tellement retoucher ses photographies, elle pensait que cela leur enlevait de la qualité et de la vitalité. Le perfectionnisme de l'américaine a vu le jour avec sa passion pour la photographie. Cheryl regarda Yuuta. Il avait quelque chose de très intriguant, elle ignorait quoi, mais cela l'amusait. Elle avait tendance à directement lire le caractère des gens sur leur façon d'agir ou de parler, mais là, elle restait perplexe. La jeune fille ignorait si elle l'agaçait à lui faire la conversation ou si elle pouvait essayer d'en savoir davantage. Elle se risqua tout de même à prolonger la conversation.

« Mais merci, c'est gentil. Et toi et la guitare? Sept ans c'est ça? Je t'ai entendu le dire à Anako tout à l'heure, précisa-t-elle. C'est une passion qui te vient de tes parents? Je demande parce que généralement les enfants sont inspirés de leurs parents. Surtout les musiciens. Moi, c'est ma mère, elle est tellement belle... » ajouta-t-elle plus pour elle-même.

Je vais les appeler plus tard dans la journée! décida-t-elle pour se redonner de la volonté et chasser cette vilaine nostalgie.

La jeune fille sourit quand elle l'entendit dire que c'est aussi sa mère qui l'avait inspiré. Les mères sont vraiment la base de tout être humain. Comme tout enfant riche américain, elle avait suivit des cours particuliers de musique et le piano avait retenu son attention, contrairement au violon. Mais elle n'avait pas poussé l'apprentissage jusqu'au bout, laissant de côté son oreille musicale.

« Le piano, c'est un bel instrument.. Je suis désolée pour ta mère, répondit-elle simplement. »

Mais l'était-elle réellement? La compassion ne faisait pas partie de ses nombreux attributs. Aussi loin qu'elle s'en souvenait, elle n'arrivait pas à mettre le doigts sur une instant de sa vie où elle avait ressentit une quelconque compassion pour quelqu'un. Dans son monde, c'était un peu, chacun pour soi et s'il arrivait quelque chose de fâcheux à quelqu'un d'autre, il fallait toujours trouver en quoi ça nous arrangeait. C'est bien connu, le malheur des uns, fait le bonheur des autres. Elle essaya de s'imaginer ce que ce serait si elle perdait sa mère. C'était une chose impossible pour la simple et bonne raison que ses parents étaient immortels. Elle essayait de trouver quoi dire, ou quoi faire mais rien ne lui venait. Pour une fois qu'elle entamait une conversation qui n'était pas intéressée... ! D'ailleurs, pourquoi restait-elle assise, Yuuta n'allait pas lui apporter grand chose... Mais il était bien trop tôt pour aller faire les magasins, les autres élèves allaient sûrement profiter de ce jour de libre pour faire la grasse matinée. Quelle idée avait-elle eu de sortir de son lit aussi tôt? Elle aurait pu traîner, ensuite aller dans un spa se faire chouchouter.. Mais non... Cheryl pencha la tête et passa une main dans ses cheveux avant de reprendre la conversation.

« J'ai remarqué que les guitaristes avaient beaucoup de succès auprès des filles. Fais attention à toi si tu te balades avec ta guitare, dit-elle avec un clin d'oeil. Et sinon, es-tu un ancien de l'acadé... continua-t-elle avant de subitement s'arrêter.

Vous savez, nous, humains, avons souvent tendance à oublier que la nature qui nous entoure fait ce qu'elle veut et ce, quand elle le veut. Elle est là, tapie dans l'ombre, elle s'approche, sournoisement, sans qu'on le sache et elle frappe, comme ça, quand on s'y attend le moins. Et c'est vrai, Cheryl ne l'avait pas vu s'approcher, lentement d'elle. En fait, si elle avait fait attention avant de s'asseoir, elle aurait pu s'en rendre compte. Mais non, au lieu de cela, elle avait baissé sa garde et s'était laissée bercer par la musique. Alors imaginez sa surprise lorsqu'elle tourna la tête et qu'elle vit quelque chose grimper le long de son bras. Huit pattes, des poils, des yeux horrible. Le sang de la jeune fille ne fit qu'un tour. Ce n'était pas un serpent, heureusement, sinon, elle se serait instantanément évanouie. Non, une araignée, rien que ça. La jeune fille resta paralysée, fixant la bête des yeux. Espérant que le jeune homme en face d'elle, remarquerait la bête et l'aiderait à s'en débarrasser. Ou sinon, elle s'imaginait déjà en robe noire, dans un cercueil. Une si belle fille, quelle perte pour l'humanité. Elle savait qu'un tel niveau de perfection ne pourrait être toléré très longtemps sur terre.

La dernière phrase de Yuuta ne fit qu'accentuer la terreur de la jeune fille.

Pourquoi? Pourquoi ai-je enlevé ma merveilleuse veste? Si je l'avais gardé, cette stupide araignée serait sur mon cuir au lieu d'être sur mon bras. Mais nooooooooooon... !

Elle était beaucoup, beaucoup trop terroriser pour imaginer qu'une araignée n'était pas venimeuse. Cheryl était tout le contraire de la naïveté en temps général. Manipuler, c'était plutôt son truc à elle. Mais là... c'était une araignée... après les vers de terre ou lombrics, comme vous voulez, les araignées la paralysaient totalement. Ces bêtes velues, pleines de pattes et qui pouvaient vous emprisonner dans leurs toiles. Elle allait mourir. Faire ses adieux... par où aurait-elle pu commencer? Elle aurait souhaité être enterrée avec tous ses sacs à main, toutes ses paires de chaussures. Et surtout, elle voulait choisir sa dernière tenue. Mais elle ne pourrait faire rien de tout cela. Quelle triste mort...

« Tu ne veux pas me l'enlever... ? Non parce que vraiment, ce serait pitoyable comme mort, sur le toit du lycée... J'imaginais ma mort un peu plus tragique tout de même... » dit-elle dans un chuchotement quasi-audible de peur que l'araignée ne l'entende et décide de monter plus haut.

Elle se demanda pourquoi il fixait la bête au lieu de la dégager à coup de n'importe quoi. Et puis elle se dit que l'araignée étant venimeuse, qu'il ne voulait pas risquer sa vie, après tout, ils ne se connaissaient que depuis... aller... 2o minutes à tout casser. D'ailleurs, si elle, elle était à la place de Yuuta, elle serait restée à l'observer, et aurait sans doute prit, de loin, de même très loin, des photos de la bête. Ou peut-être qu'elle serait resté aussi immobile qu'elle l'était maintenant avant de réagir et d'appeler le centre antipoison.. Appeler le centre antipoison... en voilà une idée, c'est ce qu'elle ferait avec ses dernières forces si jamais Yuuta mettait trop de temps à réagir.

« Promis, j'arrêterai de t'embêter si tu m'en débarrasses! Et même... et même que... que... je sais pas, je ferai ce que tu veux! »

Entre le moment où elle avait vu l'araignée sur son épaule et la pichenette de Yuuta qui avait servi à la débarrasser de l'araignée, Cheryl crut qu'un siècle s'était écoulé. Le temps ne reprit un cours normal que lorsqu'elle vit la bestiole voler au loin. La jeune fille se retourna et chercha la bête des yeux afin de vérifier qu'elle était bien hors de son espace vital. Contrairement aux autres, ce n'était pas son genre d'écraser les bestioles, d'une part parce qu'elle respectait la nature et d'autre part, cela salirait ses belles chaussures. La jeune fille poussa un soupir de soulagement, prête à remercier le jeune homme mais celui-ci déclara qu'il ne s'agissait pas d'une araignée mortelle. Elle se sentit d'une telle stupidité et d'une telle naiveté qu'elle enfouit son visage dans ses mains, baissant la tête.

« Je vois... » commenta-t-elle à voix basse.

Cheryl prit une grande inspiration. Il ne la connaissait que depuis quelques minutes et il se permettait déjà de lui faire de telles blagues. Blague qui aurait pu la conduire à une attaque cardiaque. Quelque chose clochait. Aurait-elle perdu de son piquant? De sa superbe? Heureusement, personne n'avait assisté à la scène -en dehors de Anako qui jouait avec la bestiole -, l'humiliation n'était donc pas publique. Que ce serait-il passé s'il y avait eu plus de monde? S'il y avait eu plus de monde, elle ne se serait pas assise et aurait tourné les talons. Ce n'était donc pas la peine d'en faire une affaire d'état. Et puis, même si la terre entière l'avait su, ce n'était pas SI grave! La jeune fille releva la tête et dit a Anako qui se tenait derrière elle:

« Anako, si jamais tu t'amuses à amener des araignées dans la chambre sous prétexte que Newton les adore, sache que... que... haaa, mais éloigne-toi de moi avec cette chose! »

Elle détourna son regard de cette vision d'horreur pour ce qui l'était nettement moins.

« Quant à toi Yuuta, tu as conscience, que si cet incident quitte ce toit, je serai dans l'obligation de te tuer? » Elle fit une pause, le temps de reprendre son souffle qu'elle avait retenu beaucoup trop longtemps au cours des quelques minutes qui s'étaient écoulées. « Merci beaucoup en tout cas, continua-t-elle un sourire sincère aux lèvres. Enfin chose promise, chose due! Tu peux me demander ce que tu veux, sauf quelque chose qui impliquerait de la boue, à moins que ce ne soit dans un spa! Ou quelque chose qui a un rapport avec des arai... »

La jeune fille n'eut pas l'occasion de terminer sa phrase. Non parce que le mot en lui-même lui donnait des frissons dans le dos. Non, c'est qu'elle venait de sentir son portable vibrer pour la troisième fois. Comme à son habitude, lorsque son portable se manifestait, elle n'avait pas tendance à y prêter attention spontanément. Mais là, son portable se faisait insistant. Elle le retira donc de son sac et vit l'indicatif des États-Unis s'afficher sur l'écran. Étrange, le numéro n'était pas enregistré dans son portable. Elle appuya sur le bouton vert.

« Hello? Oh my God! Elle se redressa brusquement, et dit en se tournant vers Yuuta. Je suis désolée, il va falloir reporter cela à plus tard. Promis, je me rattraperai et on se recroisera, je ferai tout pour! Bonne continuation! »

La belle américaine s'éloigna à grands pas, parlant anglais à travers le téléphone, un sourire épanoui sur le visage.